Notre tactique de lutte aux changements climatiques ne fonctionne pas. Il faut changer d’approche pour sensibiliser la population.
par Hugo Cordeau6 mars 2023
Alors que 2022 fût forte en promesses environnementales, l’heure est à l’action. Malheureusement, nous décarbonons nos économies trop lentement. À ce rythme, nous allons manquer l’objectif de l’Accord de Paris, soit de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C.
Certains mettront la faute sur le manque de courage des élites politiques – et ils n’auraient pas tort –, mais démocratie exige, les politiciens répondent aux préoccupations des citoyens. Si la population souhaitait réellement rester sous la barre de 1,5 °C, nous le ferions. La pandémie de coronavirus en est la parfaite démonstration : les gouvernements peuvent être radicaux lorsque la population les appuie.
La question devient donc : comment amener la population à désirer davantage d’actions climatiques ?
Essentiellement, le soutien aux politiques climatiques repose sur trois piliers : l’efficacité, l’équité et l’intérêt personnel.
Selon cette logique, la taxe carbone canadienne devrait donc jouir d’une bonne opinion dans la population, puisqu’elle est efficace et redistributive. Effectivement, elle est fiscalement neutre, ce qui signifie qu’elle redistribue les revenus issus de la taxation aux ménages via le revenu climatique – un montant qui atteint jusqu’à 1 200 $ par année pour une famille albertaine de deux enfants.
Tel que le souligne le bureau parlementaire du budget, 80 % des individus reçoivent davantage de revenu climatique qu’ils payent de taxe carbone, rendant cette politique équitable.
D’ailleurs, la Commission de l’écofiscalité du Canada souligne que la taxe carbone est le moyen le plus efficace de réduire la pollution. Les trois piliers d’acceptation d’une politique climatiques sont respectés, conséquemment, la politique devrait être appréciée.
Toutefois, les données empiriques contredisent cette logique : la taxe carbone n’est pas appréciée et tel que les politicologues Matto Mildenberger, Érick Lachapelle, Kathryn Harrison & Isabelle Stadelmann-Steffe le soulignent dans leur article publié dans Nature, les régimes de taxation carbone du Canada et de la Suisse sont incompris par la population. La majorité des individus surévaluent le coût de la taxe carbone et sous-évaluent le retour reçu. L’incompréhension de la taxe carbone semble donc nuire à son acceptabilité sociale.
Or, est-ce qu’expliquer le fonctionnement des politiques climatiques peut augmenter leur adoption ?
Une équipe de chercheurs s’est penchée sur la question. Ils ont exploré l’impact de la communication sur l’adoption aux politiques climatiques. Pour ce faire, l’équipe a sondé 40 000 individus dans vingt pays, représentant plus de 70 % des émissions mondiales de CO2.
Les chercheurs ont séparé les individus aléatoirement en quatre groupes. Un groupe contrôle qui représente la population non traitée, ainsi que trois groupes de traitement. Le premier groupe de traitement reçoit une vidéo informationnelle sur les impacts tant positifs que négatifs de la crise climatique au Canada. Le deuxième groupe traitement se fait expliquer le fonctionnement des politiques climatiques, et puis, le dernier groupe reçoit les deux vidéos.
L’étude conclut que l’impact marginal des dommages causés par les changements climatiques est près de zéro, la population étant déjà bien informée à cet égard. À l’inverse, nous pouvons voir que l’indice d’adoption de la taxe carbone augmente de 12 points pour le deuxième groupe traitement, soit pour les individus qui se font vulgariser le fonctionnement des politiques climatiques.
Force est de constater l’efficacité de vulgariser les politiques climatiques. La vidéo sur l’impact des changements climatiques, quant à elle, n’amène peu ou pas d’impact sur l’augmentation de l’appui aux politiques climatiques, à l’exception de l’isolation obligatoire et subventionnée.
Soyons clairs, cette étude analyse l’impact marginal de la communication sur l’action climatique. Les changements climatiques étant dorénavant largement couverts et politisés, il est possible que la vidéo à cet égard n’informe que peu les individus. À contrario, le fonctionnement des politiques climatiques est obscur pour le citoyen moyen. Améliorer l’accessibilité et la visibilité de l’information au niveau des politiques climatiques peut donc diminuer la résistance de la population envers celles-ci.
Les politiques bien expliquées sont plus populaires
Les politiques climatiques sont essentielles pour résoudre la crise climatique, mais elles nécessitent un soutien populaire. L’article présenté plus haut démontre que communiquer davantage l’impact des changements climatiques n’augmente peu ou pas l’appui, tandis que d’expliquer les politiques climatiques l’augmente significativement.
Les médias couvrent abondamment la crise climatique, mais parlent moins des solutions et plus spécifiquement, de leur fonctionnement. De plus, le cursus scolaire est déficient en la matière. Il est possible d’obtenir un diplôme universitaire sans jamais avoir été exposé aux principales politiques climatiques.
En ce sens, il serait intéressant que les médias invitent des experts afin de souligner l’importance de bonnes politiques publiques, mais également de leurs fonctionnements. Dans le même ordre d’idées, les journaux devraient dédier des ressources au décryptage des politiques publiques. Au vu de l’évidente contribution au bien public qu’elles offriraient, il pourrait être intéressant de subventionner ces ressources.
En outre, des capsules vidéo devraient être présentées dans les écoles et les milieux de travail afin d’informer la population des coûts et des bénéfices des diverses politiques climatiques.
Afin d’éviter de politiser le message, il serait primordial qu’un tel programme soit dirigé par un organe indépendant de la branche exécutive du gouvernement. Quelque chose comme l’Institut climatique du Canada. La Banque de Développement du Canada pourrait, quant à elle, accompagner nos entrepreneurs sur la façon dont les politiques climatiques peuvent contribuer à leurs modèles d’affaires.
Le bateau pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C est sur le point de quitter port. Nous devons accélérer la décarbonation de notre économie, mais, pour ce faire, nous avons besoin d’un support populaire. Bien que de nouvelles ressources communicationnelles seraient bénéfiques, réorienter le message dans les médias, en milieu de travail et à l’école est primordial.
Les cobénéfices de l’action climatique doivent être mis de l’avant, pas seulement le coût de l’inaction.