Stratégie d’harmonisation des outils de planification spatiale et socioéconomique au Mali

Résumé Le Mali dispose de plusieurs outils de planification pour assurer son développement et se hisser au même niveau que les pays émergents. Parmi ceux-ci, on trouve, les politiques publiques, les schémas d’aménagement du territoire, les plans d’urbanisme et les règlements d’urbanisme, les programmes et les projets. Ces outils sont fort utiles pour l’application d’une orientation touchant l’utilisation du sol et l’amélioration des conditions de vie des populations. Lorsqu’ils sont bien utilisés, ils deviennent des éléments très structurants pour asseoir les bases d’un développement durable et équilibré. Il existe à priori une large gamme d’outils et de moyens pour aider les stratèges dans leur volonté d’élaborer des stratégies de mise en cohérence et de respect des orientations et des objectifs des outils de planification valables. Il s’agit des :
  • moyens légaux ;
  • ressources financières ;
  • équipements publics et des services d’intérêt collectif.
Les ressources financières nécessaires pour la mise en œuvre de ces outils proviennent de sources distinctes à savoir :
  • l’Etat (qui dispose de divers programmes gouvernementaux) ;
  • les collectivités territoriales ;
  • les partenaires au développement ;
  • le secteur privé (à la recherche d’investissements profitables) ;
  • la société civile…
Parmi ces pistes nous pouvons retenir l’harmonisation des outils de planification à travers les éléments ci-après :
  • la cohérence temporelle ;
  • la cohérence spatiale ;
  • la cohérence horizontale ;
  • la cohérence verticale ;
  • l’équité territoriale.
Mots clés : Cohérence ; Outil de planification ; Territoire ; Harmonisation ; Equité territoriale. Introduction La mise en cohérence permet de décliner sur les territoires les grandes orientations nationales. Chose que nous allons observer à travers les horizons temporels, les liens structurels et les processus d’élaboration des outils, voire la réalisation et le suivi-évaluation des actions sur le terrain. En se référant aux résultats de nos analyses et observations, il ressort que la mise en cohérence des outils de planification n’est pas effective au Mali, outils qui, du reste ne sont pas également mis en œuvre convenablement. A noter que l’incohérence des outils de planification ne permet pas à la planification d’accompagner les grandes transitions écologiques, numériques, énergétiques, tout en veillant à proposer une offre de logements et de services adaptée, qui garantisse la mixité sociale et fonctionnelle, et la sécurité des habitants. Des choses nécessaires pour assurer le respect de l’équilibre entre la protection des espaces naturels, agricoles et forestiers d’une part et le développement urbain d’autre part. Cette incohérence ne permet pas non plus à la planification d’intégrer des enjeux tels que les transports, l’habitat, l’environnement, l’énergie, l’emploi, l’offre de services, la mixité sociale. Pour mémoire la planification spatiale et socioéconomique est un acte purement volontariste. Les différentes stratégies dépendent des régimes en place. Notre pays, comme l’on le voit a traversé et traverse encore différents moments. Ici, les propositions de solution, de stratégies à adopter pour une mise en cohérence des outils ne sont que purement et simplement personnelles. Elles relèvent de notre expérience de planification et devraient alors booster notre système de planification. La mise en cohérence des outils de planification est indispensable pour leur respect et le développement harmonieux et durable des territoires, notamment au Mali, champ d’étude de notre article qui tente de trouver une réponse à la question suivante : Comment harmoniser les outils de planification au Mali ? Ainsi, après analyse de toutes les propositions en matière de mise en cohérence et de respect des outils de planification, nous avons initié cet article qui vise à :
  • identifier des pistes de solutions appelées stratégies à adopter pour la mise en cohérence et le respect des outils de planification au Mali ;
  • contribuer à intégrer dans la planification des enjeux tels que les transports, l’habitat, l’environnement, l’énergie, l’emploi, l’offre de services, la mixité sociale.

1.     Matériels et Méthodes

Elle a consisté à une recherche documentaire. Les documents consultés sont, des documents nationaux (le rapport de l’atelier de Ségou sur le renouveau de la Planification en 1996, les plans quinquennaux de 1961 à 1991, des Politiques Nationales (transversales ou sectorielles), des rapports et autres document sectoriels, des mémoires et des thèses. A la suite de cette recherche documentaire, nous avons mené une collecte de données amorcée après un échantillonnage. La collecte a été faite à Bamako et dans la région de Sikasso, elle a concerné une soixantaine de personnes. Durant cette collecte, nous avons utilisé deux outils.  Il s’agit :
  • du questionnaire ;
  • du guide d’entretien ;
La saisie a été faite avec Microsoft Word et SPSS a été utilisé pour faire certaines analyses.

2.     Les résultats

Une chose est de disposer d’outils de planification, une autre est de veiller à leur harmonisation en vue d’assurer une équité territoriale qui consiste à réaliser, en fonction des besoins de chaque territoire, les projets et programmes appropriés. Dans le souci d’harmoniser les outils de planification au Mali, il est nécessaire de s’appuyer sur les éléments ci-après :
  • la cohérence temporelle ;
  • la cohérence spatiale ;
  • la cohérence horizontale ;
  • la cohérence verticale ;
  • l’équité territoriale.

2.1.  La cohérence temporelle

Pour assurer la cohérence temporelle, tous les outils de planification opérationnelle ou de mise en œuvre (programmes de développement) doivent être initiés en même temps pour une durée de cinq ans dans une collectivité donnée. Les Programmes de Développement Economique, Social et Culturel (PDESC) des communes d’un même cercle sont à élaborer concomitamment et après la capitalisation des orientations, des objectifs stratégiques et des actions prioritaires d’investissement inscrits dans le Programme Local de Développement Economique et Social du cercle. En ce qui concerne les programmes de développement régional, ils doivent avoir les mêmes échéances cinq ans et être initiés concomitamment après l’élaboration du Programme/Plan national de développement. La durée des programmes nationaux doit être également fixée à cinq ans. Pour les outils stratégiques appelés Plans Directeurs/Stratégiques, ils doivent être initiés pour une durée de quinze ans au plus. S’agissant des Schémas d’Aménagement du Territoire, des Schémas Directeurs d’Urbanisme et des Schémas sectoriels, ils sont en principe élaborés pour vingt ans. L’élaboration des schémas régionaux d’aménagement du territoire doit se faire en même temps et après l’élaboration du Schéma National d’Aménagement du Territoire pour éviter un décalage temporel entre ces différents outils.

2.2. La cohérence spatiale

En vue d’une harmonisation territoriale des outils de planification, il apparaît nécessaire de territorialiser les politiques publiques. Ainsi, chaque Région disposera d’une politique régionale de développement traduite à l’échelle régionale par un programme régional de développement et à l’échelle locale par le programme local de développement dénommé PDESC. Cette politique régionale de développement doit être opérationnalisée par les outils de planification. Pour ce faire, il est indispensable de doter l’ensemble des collectivités territoriales et des villes de schémas d’aménagement du territoire et de schémas d’urbanisme. Tous les programmes de développement locaux et communaux doivent s’inscrire en droite ligne des schémas d’aménagement des territoires de leur ressort. En plus de cela, il faut initier des contrats de développement territorial des cercles et communes, cadre unique d’intervention de tous les acteurs de développement sur le territoire national. Les outils de planification régionale doivent permettre l’opérationnalisation des politiques nationales traduites en schémas, plans et programmes de développement.

2.3. La cohérence horizontale 

L’harmonisation des outils de planification exige une cohérence horizontale entre les outils de planification qui doivent être hiérarchisés comme suit :
  • Outils de premier degré (long terme) ;
  • Outils de second degré (moyen et court termes).

2.3.1.        Les outils de planification de premier degré 

Il s’agit des outils portant sur le long terme :
  • les politiques publiques (transversales ou sectorielles) pour définir les grandes orientations nationales. Ce sont des mesures contenues dans des documents ayant un contenu, une substance qui prend la forme de décisions, de processus d’action et de résultats. Elles sont rarement des mesures isolées ou de simples réalisations, ce sont des directives et des choix à opérer pour instaurer un changement positif ;
  • le Schéma National d’Aménagement du Territoire, outil de planification de premier degré pour territorialiser les orientations de l’ensemble des politiques publiques. Il est la traduction spatiale des décisions politiques au niveau national ;
  • les schémas sectoriels d’aménagement du territoire pour territorialiser les orientations sectorielles, de façon plus détaillée que le schéma national ;
  • les schémas régionaux d’aménagement du territoire pour territorialiser les orientations du Schéma National d’Aménagement du Territoire et des schémas sectoriels et pour cerner les spécificités régionales ;
  • les schémas locaux d’aménagement du territoire pour territorialiser les orientations régionales et cerner les spécificités locales ;
  • les schémas communaux d’aménagement du territoire pour territorialiser les orientations locales et cerner les spécificités communales ;
  • les schémas directeurs d’urbanisme pour territorialiser les orientations des schémas d’aménagement et promouvoir le développement urbain durable ;
  • les schémas de zone pour traduire spatialement les interventions dans une zone de développement et lui permettre de structurer son environnement.

2.3.2.    Les outils de planification de second degré 

Il s’agit des outils de mise en œuvre portant sur les moyen et court termes :
  • les plans directeurs ou stratégiques pour opérationnaliser les orientations des outils de planification de premier degré ;
  • les plans d’urbanisme sectoriels pour opérationnaliser les schémas directeurs d’urbanisme ;
  • les plans ou cadres nationaux de développement pour opérationnaliser les outils de planification stratégique ;
  • les programmes nationaux ou sectoriels de développement pour mettre en œuvre les objectifs stratégiques des plans ;
  • les plans régionaux de développement pour traduire les plans nationaux à l’échelle régionale ;
  • les plans locaux de développement (Cercle et Commune) pour traduire les plans régionaux au niveau des cercles et des communes.
A noter que les projets de développement permettent d’exécuter et de mettre en œuvre les programmes de développement. Figure 1 Voir schéma 1

2.4. La cohérence verticale

Dans le souci d’assurer l’harmonisation des outils de planification, le principe de verticalité doit être respecté. Ainsi, les orientations sectorielles des politiques et schémas sectoriels sont traduites en programmes sectoriels. En outre, ces programmes sectoriels sont déclinés en programmes régionaux et locaux en vue de cerner les spécificités régionales et locales. Chaque territoire a ses réalités, c’est pourquoi, il est nécessaire d’éviter la duplication automatique des programmes nationaux aux niveaux des territoires inférieurs (Région, Cercle et Commune). Le respect de ce principe de verticalité permet de réussir la traduction des orientations sectorielles au niveau des territoires. Figure 2 voir schéma 2.

2.5. L’équité territoriale

Elle va consister à initier des chartes appelées « Charte d’Equité Territoriale » et annexées aux outils de planification. Cela pour permettre à chaque collectivité territoriale de s’engager à travers un engagement écrit à combattre l’injustice sociale.  Il est à signaler que dans notre pays, les chances de vie des individus sont restreintes à cause des facteurs complexes d’inégalité :
  • disparités dans les domaines de la santé, de l’éducation et du revenu avec une ampleur variable ;
  • inégalités liées à la richesse, au sexe et à la situation géographique…
Ces inégalités de développement humain et social qui divergent, risquent de s’accentuer et de créer ainsi des écarts entre les territoires. Cette différence peut être exprimée sous forme de statistiques, mais derrière les chiffres se cachent la vie et les espoirs de tout un peuple. La marginalisation, la précarité et l’exclusion sont des phénomènes qui interagissent pour créer des cycles de désavantages dynamiques qui se renforcent mutuellement et qui sont transmis de génération en génération. Briser ces cycles est l’une des clés du développement durable à la faveur de l’équité territoriale. A cet effet, l’équité territoriale constitue la contrepartie d’une politique d’attractivité et de compétitivité. Elle constitue un gage d’équilibre et de solidarité territoriale et elle contribue à la durabilité. Elle concilie également la cohésion sociale et l’unité nationale avec l’attractivité du territoire. La précarité revêt deux formes, urbaine (le milieu urbain) et rurale (le milieu rural et les zones à handicap). Cette précarité appelle une nouvelle géographie, son traitement doit se faire à la source, là où elle réside (milieu urbain, milieu rural). Pour asseoir une justice sociale au Mali, il faut envisager :
  • la mise à disposition de logements répondant aux normes ;
  • l’accessibilité des territoires ruraux à travers le transport et la communication ;
  • la couverture des communes par les services sociaux de base (éducation, santé, administration, équipements marchands, électricité, eau…) ;
  • le renforcement des bases productives propres des communes en vue de leur permettre de se faire une place dans les échanges et de fixer leurs populations ;
  • la réforme de la gestion et du management urbain ;
  • l’amélioration de l’intégration urbaine par un bon maillage territorial des villes ;
  • la participation active des habitants à l’élaboration des projets ;
  • le renforcement des complémentarités urbain-rural ;
  • la diversification des branches d’activités du monde rural ;
  • la transformation du milieu rural en espace attractif et compétitif ;
  • la promotion des initiatives et des savoir-faire locaux ;
  • l’élaboration de programmes nationaux, régionaux et locaux en faveur des territoires attardés ;
  • l’élaboration de politiques fiscales en faveurs des territoires défavorisés ;
  • l’instauration de la bonne gouvernance des territoires ;
  • le développement des instruments de financement des activités rurales…

Photo 1 : Egalité et équité sociales/ territoriales

Source : Cahier de participant formation CFD année 2020 L’équité n’est pas l’égalité sociale, c’est l’égalité des chances d’accès pour l’ensemble des citoyens du territoire national aux services sociaux de base (eau, école, électricité, santé), aux emplois et autres. L’équité territoriale impose une anticipation sur la mise à niveau des territoires/zones qui peuvent se voir distancer par le jeu de la compétitivité. Or l’égalité c’est d’accorder les mêmes avantages à tous les territoires, chose qui est insuffisant pour mettre à niveau certains territoires dits les territoires fragiles ou défavorisés.

Conclusion

Il est utile de savoir que les équipements publics existants ou potentiels sont importants pour l’application des stratégies. Il s’agit parfois d’un aéroport à valoriser ou d’un port à utiliser pour attirer les entreprises exportatrices. Une simple école primaire ou un accès à un parc touristique peuvent devenir des moyens importants. Et que dire d’une route, d’une piste cyclable, d’une halte routière ou encore d’un centre sportif ! Bref, les équipements publics représentent des moteurs très importants pour le développement d’un territoire. Finalement, les services collectifs sont devenus un moyen privilégié pour appliquer les stratégies territoriales, notamment depuis que l’on développe des services spécifiques pour les travailleurs et pour les entreprises (formation professionnelle, à l’animation socioéconomique et aide aux entrepreneurs dans la planification de leurs affaires).

Dr. Abdoulaye SANOGO-Planificateur

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